1. Le phénomène : un exode précoce de jeunes talents
Depuis les années 2010, on observe une augmentation significative du nombre de jeunes joueurs formés en France (souvent en préformation ou juste avant la signature d’un contrat aspirant) qui partent dans des clubs étrangers, notamment en :
Angleterre (Chelsea, Arsenal, Manchester City, etc…)
Allemagne (Leverkusen, Dortmund, Leipzig…)
Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas
Parfois aussi dans des pays plus inattendus : Suisse, Portugal, Scandinavie…
Objectif du joueur : accélérer son parcours pro, signer plus vite, éviter la concurrence massive dans les clubs français.
Objectif du club étranger : recruter un joueur de haut niveau à faible coût, sans passer par une indemnité de transfert.
2. Le cadre réglementaire : ce que dit la FIFA
Article 19 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (FIFA)
En principe, tout transfert international de joueur de moins de 18 ans est interdit.
Mais il y a une exception spécifique à l’Union européenne (UE/EEE) :
Un joueur âgé de 16 à 18 ans peut être transféré entre deux pays de l’UE/EEE, à condition que :
Le club d’accueil garantisse :
La scolarité du joueur
La formation sportive de haut niveau
Le suivi éducatif, médical et social
Le logement encadré
Le contrat respecte le droit du travail du pays d’accueil
C’est cette exception qui permet à un joueur français de 16 ans de partir signer à Arsenal ou à Bruges.
3. Pourquoi ces départs arrivent-ils ?
Du côté du joueur
Plus de chances de signer rapidement pro
Conditions de vie plus “luxueuses”
Club avec un projet plus personnalisé
Agents, parents ou entourage qui poussent au départ
Du côté des clubs étrangers
Recrutement à coût réduit (souvent sans indemnité de transfert)
Formation française réputée
Moins de protection juridique des clubs formateurs français
4. Quelles conséquences pour les clubs français formateurs ?
Le club perd un joueur sans indemnité de transfert
Peut toucher une indemnité de formation FIFA à condition de :
Prouver les années de formation (12 à 16 ans)
Saisir la FIFA si besoin (via TMS)
Le montant est souvent inférieur à la valeur réelle du joueur
Beaucoup de petits clubs amateurs n’en profitent pas car :
Ils n’ont pas l’information
Ils ne savent pas utiliser TMS
Ils manquent de preuves écrites
5. Risques et controverses
Pour le joueur
Choc culturel, isolement, rupture scolaire
Mise en concurrence très forte dans de grands clubs
Non-satisfaction des attentes → retour prématuré en France sans contrat
Pour le football français
Perte de talents avant leur entrée dans le système pro national
Clubs français “formateurs gratuits” pour les clubs étrangers
Concurrence déloyale sur la valorisation du travail de formation
6. Réponses mises en place par le football français
Le contrat élite
Créé par la LFP/FFF pour mieux protéger les clubs français
Permet de signer dès 16 ans un contrat de pré-protection
Bloque partiellement le joueur en France pendant 3 ans
Mécanisme de déclaration FFF/TMS
La FFF peut notifier les clubs étrangers du droit à indemnité
Les clubs formateurs français doivent agir vite dès qu’un joueur part
Pourquoi ces départs ?
Attractivité : formation d’élite, meilleure visibilité sportive
Recours à l’exception UE (16–18 ans) du Règlement FIFA
Stratégie des agents et clubs étrangers pour attirer des talents français tôt et à faible coût.
L’impact de ces départs précoces pour les clubs formateurs français
1. Perte sportive immédiate
Les jeunes les plus prometteurs quittent le centre de formation avant d’atteindre l’équipe première.
Cela prive le club formateur :
D’un apport technique immédiat (équipe U19, réserve, Ligue 1 ou 2)
D’un effet vitrine (valorisation du centre, notoriété locale)
Exemple : Mathys Tel n’a disputé que 49 minutes en Ligue 1 avec Rennes avant son départ au Bayern.
2. Manque à gagner financier
Un joueur de 17 ans transféré vers l’étranger rapporte souvent moins qu’un joueur ayant signé pro et vendu 1 à 2 ans plus tard.
L’indemnité de formation (calculée par la FIFA) est forfaitaire et inférieure à la valeur réelle du joueur.
Résultat : perte potentielle de millions d’euros pour un club formateur.
3. Baisse de motivation des éducateurs/formateurs
Les éducateurs voient leurs efforts annulés lorsque le joueur quitte le club sans retour direct
Les clubs amateurs ou semi-pro (ex. : clubs de National 2/3 ou Ligue 2) souffrent de ne pas pouvoir sécuriser leurs talents
4. Fragilisation des clubs intermédiaires
Les clubs qui préparent mais ne finalisent pas la formation (ex : club de U13 à U17) sont rarement indemnisés à la hauteur de leur travail.
Sans convention ou traçabilité précise, ils sont souvent oubliés dans les calculs de solidarité FIFA.
5. Contournement du système de protection français
La réglementation française (signature de contrat aspirant, élite, stagiaire) est court-circuitée par les départs précoces intra-UE.
Des clubs étrangers utilisent des structures écran (clubs partenaires, académies satellites) pour attirer les jeunes.
6. Exemples concrets de clubs lésés
RC Lens (Kakuta) : aucune indemnité significative reçue au départ de Kakuta vers Chelsea. Seul un arbitrage FIFA/TAS a permis une indemnisation partielle des années plus tard.
Rennes (Tel) : indemnité correcte (~20 M€) mais départ avant maturité sportive, ce qui a réduit l’impact du joueur en Ligue 1.
7. Perte de crédibilité du modèle français
Le modèle français repose sur un cycle vertueux : formation – valorisation – transfert – réinvestissement.
Les départs à 16–17 ans cassent ce cycle, au profit de clubs étrangers mieux dotés.
Cela encourage une logique de précocité risquée, contraire à la stabilité éducative.
En résumé
Impact | Conséquence |
Perte sportive | Moins de jeunes en réserve ou pro |
Perte économique | Manque à gagner sur la valeur marchande |
Perte éducative | Démobilisation des formateurs |
Perte de pouvoir | Clubs français contournés dans la charte de valeur |
Conclusion
Les départs précoces de jeunes joueurs français à l’étranger sont
légalement possibles entre 16 et 18 ans dans l’UE
avantageux pour les clubs étrangers
souvent nuisibles pour les clubs formateurs français
parfois risqués pour le joueur lui-même.
C’est un défi majeur pour la FFF, les clubs amateurs et les familles. La meilleure protection reste
la signature rapide d’un contrat élite ou aspirant
la documentation précise des années de formation
et la vigilance active des clubs sur les départs suspects.
Ce que dit la réglementation française et FIFA
Sur les transferts internationaux de joueurs mineurs formés en France
1. RÉGLEMENTATION FIFA (internationale)
La FIFA interdit en principe les transferts internationaux de joueurs mineurs (moins de 18 ans), mais prévoit des exceptions strictes.
Référence
Article 19 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) – FIFA
« Les transferts internationaux de joueurs ne sont autorisés que si le joueur a atteint l’âge de 18 ans »
Exceptions autorisées par la FIFA (article 19.2)
1. Le déménagement familial non lié au football
Les parents du joueur déménagent pour des raisons indépendantes du football (travail, études, etc…)
2. Transfert intra-UE/EEE(entre 16 et 18 ans)
Exception spécifique aux pays de l’Union européenne et de l’Espace économique européen
Le transfert est autorisé si
Le joueur a au moins 16 ans
Le club garantit
Formation scolaire et footballistique
Encadrement éducatif, social et médical
Hébergement approprié
Le contrat respecte le droit du travail local
C’est cette exception qui permet à un joueur français de 16 ans d’aller à Chelsea, Dortmund ou Bruges.
3. Proximité frontalière
Le joueur et le club sont situés à moins de 50 km d’une frontière commune.
4. Mineur réfugié ou apatridie
Le joueur est reconnu comme réfugié par les autorités du pays d’accueil.
5. Présence continue dans le pays pendant 5 ans
Procédure obligatoire : validation par la FIFA via TMS (Transfer Matching System)
Tout transfert d’un mineur nécessite :
Un dossier complet (preuves scolaires, logement, contrat, scolarisation, santé…)
Une validation par la Sous-commission FIFA des Transferts de mineurs
Une autorisation écrite avant l’enregistrement
2. RÉGLEMENTATION FRANÇAISE (FFF / LFP)
La réglementation française est alignée avec la FIFA mais ajoute certaines mesures de protection renforcées.
Références
Charte du football professionnel
Règlement administratif des compétitions FFF
Code du sport – Livre II
En France, un club ne peut pas transférer un joueur mineur à l’étranger sans respecter
➤ L’accord écrit des parents
➤ La notification obligatoire à la FFF
➤ Le respect de l’âge minimal (16 ans) pour toute signature pro
➤ La protection scolaire et sociale du joueur
La FFF impose également
Que tout joueur formé en France soit enregistré avec un numéro FFF / FIFA ID
Que les clubs formateurs soient consultés et puissent faire valoir leurs droits
Que les indemnités de formation soient réclamées si le joueur part avant 23 ans
Interdiction formelle (article FFF)
« Aucun joueur formé en centre agréé en France ne peut signer à l’étranger avant 16 ans, sauf cas d’exception FIFA. »
3. Sanctions possibles en cas de non-respect
Refus d’enregistrement du joueur par la fédération d’accueil
Sanctions disciplinaires FIFA : amendes, interdictions de recruter pour le club
Invalidation du contrat signé
Litige devant la Chambre de résolution des litiges FIFA ou le TAS
Risque d’exploitation ou d’abandon du joueur en cas de transfert illégal
Résumé pratique
Âge du joueur | Transfert autorisé ? | Conditions |
< 16 ans | Interdit | Sauf exception familiale ou humanitaire |
16 à18 ans | Autorisé dans l’UE | Scolarité + formation + hébergement + encadrement |
À partir de 18 ans | Autorisé partout | Contrat pro possible, sous conditions nationales |
Mesures protectrices utilisées en France
Pour dissuader ou encadrer les départs précoces de jeunes joueurs à l’étranger
1. Aucune mesure juridique de blocage pur possible (au sein de l’UE)
En vertu du droit européen, un joueur de plus de 16 ans peut signer librement dans un autre État membre sous réserve du respect de l’article 19.2.b du règlement FIFA.
2. Signature anticipée d’un contrat élite, aspirant ou stagiaire
Objectif : lier juridiquement le joueur au club formateur
Dès l’âge de 15 ans, un club peut proposer un contrat aspirant ou une convention de formation.
Dès 16 ans, un contrat élite ou stagiaire pro peut être proposé.
Une fois signé
Le joueur est enregistré officiellement à la FFF
Il est juridiquement lié au club
Le club dispose d’un droit à indemnité de formation renforcée
Le joueur doit obtenir la rupture de contrat pour signer ailleurs, ce qui rallonge la procédure
C’est la meilleure arme de prévention d’un départ sans compensation.
3. Notification immédiate à la FIFA (via TMS)
Si un joueur quitte la France à l’âge de 16–18 ans :
Le club formateur doit alerter la FFF
La FFF signale dans le système TMS (Transfer Matching System) que le joueur a été formé en France
Cela déclenche
Le blocage de l’enregistrement FIFA tant que le dossier n’est pas complet
Le droit automatique à indemnité de formation pour les clubs français
Sans validation FIFA → le joueur ne peut pas jouer en match officiel
4. Encadrement des conventions de préformation
Même dans les clubs amateurs, les joueurs (à partir de 13 ans) peuvent signer des conventions de préformation, validées par les parents et le club.
Ces conventions
ne bloquent pas légalement le joueur mais constituent une preuve de formation et permettent au club de réclamer une indemnité de formation même s’il ne s’agit pas d’un centre agréé.
1. Cas réels & jurisprudence FIFA ou TAS
Valable pour les mineurs et jeunes joueurs
Cas 1 : TAS 2012 – Vada (Bordeaux vs FIFA)
Le joueur, titulaire d’une double nationalité UE, était transféré à 16 ans. Le TAS a validé l’exception intra‑UE (article 19.2b RSTP) pour des nationalités multiples.
Illustration : un Français du Kosovo peut légalement signer en Allemagne à 16‑18 ans.
Cas 2 : CAS 2008 – FC Pyunik (Arménie) vs L’un de ses joueurs
Le joueur avait été transféré en tant que mineur sans conditions validées (hébergement, scolarité).
Le CAS a annulé le transfert et invalidé le contrat pour non‑respect des règles FIFA .
2. Rôle des agents / intermédiaires
Pratiques légales
Agent enregistré auprès de la FFF & FIFA
Mise en relation clubs-joueurs, accompagnement administratif (visa, logement, école)
3. Statistiques précises
Données européennes 2011‑2022
13,8 % des joueurs des cinq grands championnats sont partis à l’étranger avant 18 ans .
Parmi eux, environ 75 % signent une clause future (sell-on) ; mais seuls 15 % des plus de 30 ans en bénéficient .
Flux principaux : Angleterre, Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas.
Taux de réussite estimé
30/40 % réussissent un contrat pro à l’échelle européenne
Environ 50 % reviennent en France sans percée en pro
Le reste quitte le haut niveau avant 20 ans, parfois même 18 ans
4. Propositions pour mieux protéger les clubs formateurs
Idées de réforme
Allonger la durée du contrat élite (ex. à 19–20 ans)
Crédit automatique d’indemnité lors de tout transfert intra‑UE de jeunes français
Base nationale TMS simplifiée pour clubs amateurs
Inspirations étrangères
Belgique : indemnités fixes “all-in” dès 12 ans, gestion centralisée
Allemagne : clause obligatoire de 3 ans après un contrat élite + système de répartition via DFB
Pays-Bas : suivi éducatif renforcé, contrôle FMO (KNVB)
Clauses éducatives collectives
Exiger un engagement des clubs étrangers à maintenir le joueur en scolarité, avec pénalités financières si non-respect
Créer un label UE de protection de mineurs, associé à l’indemnité
Synthèse
Points | Statut |
Jurisprudence FIFA/TAS | Exemples concrets (Vada, Pyunik) |
Rôle des agents | Bonnes & mauvaises pratiques |
Statistiques | Flux & réussite identifiées |
Propositions | Réformes inspirées d’autres pays, clauses éducatives |
POUR LES FAMILLES
Comprendre et encadrer le départ de votre enfant vers un club étranger
1. Peut-on partir jouer a l’étranger avant 18 ans ?
Uniquement dans certains cas. La FIFA interdit les transferts internationaux de mineurs, sauf exceptions.
Si votre enfant a entre 16 et 18 ans et reste dans lUnion européenne, un départ est possible à condition que
le club garantisse sa scolarité
un logement adapte soit prévu
un suivi médical et éducatif soit assure
2. Quels sont les risques de partir trop tôt ?
Isolement, choc culturel, éloignement familial.
Arrêt des études en cas d’échec.
Absence de temps de jeu, retour en France sans contrat.
Difficile réinsertion dans le parcours scolaire ou amateur.
3. Comment bien préparer un départ à l’étranger ?
Vérifier que le club est reconnu et structuré.
Demander un projet scolaire complet (école + diplôme).
S’assurer d’un hébergement sécurisé.
Impliquer un agent licencie ou un avocat du sport.
4. Quels documents le club doit-il fournir ?
Une lettre de pré-engagement.
Une preuve de scolarité a l’étranger.
Une convention de formation ou un contrat clair. Des coordonnées d’un référent éducatif sur place.
5. Et si mon enfant est déjà suivi par un club étranger ?
Ne rien signez sans conseil juridique.
Prévenez le club actuel en France.
Demandez un contrat officiel et vérifiez l’encadrement.
6. Aide et protection : qui contacter ?
Le district ou la ligue regionale de la FFF.
LUNFP (syndicat des joueurs).
Des avocats spécialises en droit du sport.
Le référent scolaire du club francais actuel.
Conclusion
Un départ a l’étranger peut être une belle opportunité, mais il doit être murement réflechi, bien
encadre et toujours dans l’interet de l’enfant.
Une formation complète passe aussi par une protection éducative et humaine